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Interview - La Croix - 04 novembre 2014

4 Novembre 2014 Publié dans #Presse

Sylviane Giampino : « Les hommes veulent pouvoir s’occuper des enfants quand ils peuvent et comme ils le désirent »

Entretien avec Sylviane Giampino Psychanalyste et psychologue (1).

La Croix : Comment explique-t-on le rapprochement actuel des pères de la sphère familiale?


Sylviane Giampino: Au-delà de l’effet mécanique du travail des femmes, il y a un effet de mode. Des hommes ouvrent des blogs sur leur condition de père et servent de modèles, des entreprises mettent en avant ces pères « modernes » qui prennent un congé parental… Mais les mentalités évoluent lentement et le monde du travail est ambivalent. Celui qui prend un congé paternité ou quitte le bureau pour aller chercher son bébé à la crèche est tantôt un héros des temps modernes, tantôt celui qui prend le risque de faire couler la boîte! Les pères du discours et du désir ne sont pas forcément ceux de la réalité.


L’insécurité qui règne actuellement dans le monde professionnel favorise-t-elle cet investissement?


S. G.: À la fin des années 1990, le chômage s’est mis à toucher toutes les catégories socio-professionnelles, y compris les cadres. Aujourd’hui, les pères de jeunes enfants sont très nombreux à avoir eu des parents confrontés à des pertes d’emploi. Ils ont pris conscience que le monde du travail ne tient pas toujours ses promesses et ne veulent plus tout lui sacrifier. Beaucoup ont vu leurs parents se séparer. Car, face à un système qui ne permet pas aux parents d’articuler les contraintes professionnelles et familiales, face à la pression, le couple constitue le premier fusible. Seule la famille représente désormais un investissement de longue durée.

On assiste même parfois à un surinvestissement de l’enfant comme espace de réussite personnelle. Son bon développement vient valider la qualité de l’homme et de la femme que sont ses parents. Cela représente d’ailleurs pour l’enfant une surcharge sur laquelle il faudrait s’interroger.


Comment la gestion des enfants se négocie-t-elle dans le couple ?


S. G.: Le sujet reste épineux. Les hommes ne comprennent pas la colère des femmes qui continuent à réclamer qu’ils prennent plus en charge le quotidien, notamment la charge mentale. Ils font les courses mais continuent à réclamer une liste. Ils vont chercher leur enfant à la crèche une fois par semaine mais n’ont pas dans leur agenda le numéro de téléphone de la baby-sitter, en cas de problème sur le chemin. La centrale de traitement de l’ingénierie familiale reste la mère.
C’est elle que les crèches et les écoles continuent d’appeler quand il y a un problème. Dans les enquêtes, les hommes le disent clairement: ils ne veulent pas de contraintes, ils veulent pouvoir s’occuper de leurs enfants quand ils peuvent et comme ils le désirent. Ce sont les femmes qui font le rappel au réel dans une vie de famille. De surcroît, une bonne organisation ne suffit pas. Avoir des enfants, c’est être soumis à de l’imprévu: l’un tombe malade, l’autre a une institutrice
absente, la nounou est coincée dans les transports…
Il faut créer une souplesse de fonctionnement dans les entreprises comme dans les structures d’accueil. La folie gestionnaire dans le rapport aux temps, l’accélération des modes de vie constituent une violence exercée sur les pères et les mères qui travaillent, et donc sur les enfants.


Quels sont les bienfaits d’une meilleure implication des pères dans la vie de famille?


S. G.: Les hommes reprennent contact avec ces petits riens du quotidien qui fondent le lien avec les enfants. Ils comprennent mieux leur femme quand elle leur dit, le mercredi soir, qu’elle est épuisée alors qu’elle n’a pas «travaillé». Le partage d’expériences favorise une complicité et donc une solidarité dans le couple. Ceux qui s’en sortent le mieux sont capables de modifier leur organisation régulièrement, en fonction des obligations de l’un et de l’autre. Mais les rapports de domination peuvent resurgir à tout moment: pourquoi la réunion de madame serait-elle rioritaire par rapport à celle de monsieur, quand la baby-sitter est absente? Ces espaces de négociation sont source de conflits. Il faut pouvoir supporter les tensions et être conscient que l’enfance ne dure qu’un temps.


(1) Auteur de Les mères qui travaillent sont-elles coupables? (Éd. Albin Michel) et coauteur, avec Brigitte Grésy, en mai
2012, d’un rapport pour l’Observatoire de la responsabilité sociétale des entreprises, intitulé «Le poids des normes dites
masculines sur la vie professionnelle et personnelle d’hommes du monde de l’entreprise».
Recueilli par Cécile Jaurès
http://www.la-croix.com/Famille/Parents-Enfants/Dossiers/Sylviane-Giampino-Les-hommes-veulent-pouvoir-s-occuper-des-enfants-quand-ils-peuvent-et-comme-ils-le-desirent-2014-1
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« Les hommes veulent pouvoir s’occuper des enfants quand ils peuvent et comme ils le désirent »

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